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République des tables-bancs
27 juillet 2013

Abécédaire : les vacances

Vacances

Apport mémorable et signalé de l’école au reste de la société. Les classes vaquent en été depuis des époques lointaines où seuls les oisifs connaissaient le loisir. Pour autant, l’école n’a pas fait un geste gratuit en inventant les vacances – rien n’est jamais gratuit dans ses façons de faire. Quand il s’est agi de faire venir le grand nombre des enfants, qui n’étaient pas oisifs et loin s’en faut, sur les bancs de la classe, il a fallu concéder aux parents du temps, assez long, pour les travaux utiles. Une réponse adaptée et économique aux coûts d’opportunité, dirait le technocrate ou le consultant d’aujourd’hui. Les travaux utiles, au siècle où chacun fut appelé à l’école et en Europe, c’est très agricole et ça prend tout l’été, la saison des travaux de main d’œuvre.

Cette invention, comme beaucoup d’autres, a traversé les mers et fait partie du lot colonial. L’école est venue en Afrique avec les conjugaisons, la chicotte et les vacances, tout en bloc. Les coûts d’opportunité agricoles étaient déjà sur place, on en parle encore dans tous les pays où le travail de tous les valides est resté nécessaire. Les vacances ne les ont pas éliminés. Peut-être des questions de dates et de saison, peut-être aussi des questions d’heures de classes les jours où il n’y a pas vacances. Et si la vie des campagnes ou des marchés urbains était, finalement un peu différente de celle que menaient les paysans ou les artisans coloniaux voici cent cinquante ans ? La réponse vacances aux coûts d’opportunité ne serait simplement pas la bonne, en tout cas sous la forme d’un long congé estival alterné avec des horaires un peu rudes aux autres moments de l’année.

Ce temps long est aussi celui où l’on désapprend un peu, les maîtres le déplorent, c’est le prix de rachat des coûts d’opportunité. Mais il se peut que tous les gosses ne paient pas le même prix en oubli. Certains garderont des occasions d’apprendre, de lire, de compter, d’avoir des contacts riches, d’autres non. L’école creuse les écarts quand il n’y a pas école pendant longtemps, entre les maisons dans lesquelles il se passe quelque chose qui a à voir avec l’école (on lit, on questionne, on s’informe) et les maisons où il n’y a rien de tel, juste les travaux pénibles. La longueur des vacances a toutes les chances d’être sélective. Pour les plus pauvres, elles ne sont pas une sinécure, elles gagneraient à être un peu plus courtes.

C’est aussi le temps où tout s’abîme. Des constructions bon marché dont les portes ferment mal, dont le toits gouttent un peu ou s’affaissent ou se trouent, l’absence de clôture qui invite à tous les vagabondages – à la rentrée, il faudra compter ce qui a disparu, ce qui est perdu, chercher des sous pour tout cela. Les livres, les registres, les papiers et même les meubles n’aiment pas les vacances. L’architecte et le financier sont pires que le consultant, ils ont rêvé que l’école ne fermerait jamais.

 

 

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  • Blog à deux voix. Celle de François Robert, consultant indépendant en éducation. Celle de Robert François, voyageur fasciné par le continent noir. Ces deux voix parlent de l’Afrique et de son école, mais pas seulement.
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