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République des tables-bancs
28 août 2013

Abécédaire : inclusive

Inclusive (éducation, ou école inclusive)

Se dit de l’école lorsqu’elle est à même d’accueillir tous les enfants avec profit, même ceux qui souffrent de handicap.

En Afrique subsaharienne aujourd’hui, la plupart des enfants qui ne fréquentent pas ou plus l’école ne souffrent pas de handicap, mais symétriquement il est rare –exceptionnel, en fait - de trouver dans les classes des enfants sourds ou malentendants, aveugles ou malvoyants, trisomiques, autistes, hémi ou tétraplégiques.

L’accueil de ces enfants à l’école de tout le monde est une priorité affichée par de grandes organisations internationales et donc un passage obligé des plans sectoriels de développement. Comme toutes les figures imposées, celle-ci n’est guère productive. Les plans nationaux reproduisent sous le chapitre de l’école inclusive les mêmes poncifs sur tout le continent, des aménagements matériels de l’école (des rampes d’accès, comme si le seul obstacle à l’entrée dans la classe était la marche qui mène à la coursive et les seuls handicaps des problèmes moteurs, des latrines aménagées quand les latrines ordinaires ne fonctionnent déjà pas) et un peu d’initiation, dont l’objet n’est pas vraiment décrit, dans les écoles professionnelles d’instituteurs. On ne peut pas mieux dire qu’on n’y croit pas et qu’on ne cherche ni à connaître, ni à comprendre, ni à accueillir des enfants handicapés.

L’école inclusive est cependant un bon test pour voir si l’éducation primaire est traitée comme un droit ou comme une simple stratégie de développement. S’il s’agit d’un droit, les autorités doivent le distribuer même si aucun bénéfice collectif n’en est attendu. C’est précisément ce qui se passe si l’on met un trisomique à l’école : on le fera pour lui et non pour le pays. Ne pas prendre la question au sérieux est un aveu très encombrant.

Les difficultés à surmonter pour faire quelques pas en direction de l’école inclusive sont un peu particulières, elles indiquent des modes assez nouveaux de gouvernance de l’école et nous allons voir que le système, dans son ensemble pourrait en tirer de grands bénéfices.

Les premières résistances sont chez les familles. Avec de grandes différences selon les pays et les époques, il reste souvent de la réticence à exhiber le handicap. C’est une question que l’on ne peut pas aborder à la légère et surtout face à laquelle un ministère de l’éducation, agissant seul, n’a aucune chance de succès. Il va lui falloir des relais, des collaborations, des partenariats, de l’affichage, des exemples – tout ce qu’il sait mal faire, le plus souvent. Du travail social de fourmi, du porte à porte et de la télévision.

A côté de ce travail, il faut encore choisir par qui l’on va commencer, en admettant l’hypothèse raisonnable qu’une école déjà faible ne peut pas tout faire en même temps. C’est un délicat travail de choix et de priorités : qui est accueilli dans des institutions spécialisés, est-il ou non souhaitable qu’ils y restent pour l’instant, qui n’a accès à rien, et où ? Voilà encore un travail qu’un ministère de l’éducation ne peut pas faire seul. Il lui faut le concours des associations qui peu ou prou s’occupent de handicaps et gèrent des institutions, il y faut du dialogue avec les autorités sanitaires, en général le ministère d’en face mais que l’on connaît si peu.

Dans l’école, qui commence à penser à sa nouvelle vocation d’accueil, il devient possible de travailler à l’autre versant de la question, la détection des handicaps légers ou peu visibles. C’est non seulement possible, mais c’est une étape nécessaire, puisque l’on voit mal une classe insensible à de petites difficultés s’ouvrir d’un coup à de plus grandes. Mais ce rôle ne va pas de soi. Il suppose que le maître et le directeur aient à cœur d’observer chacun des enfants, de s’interroger sur leur attitude et de questionner leur entourage. Il suppose aussi que l’école ait quelques formes de relations avec les autorités sanitaires locales, puisqu’on ne peut pas espérer de dépistage sincère si personne n’a un commencement de réponse, un début de prise en charge.

Tout cela peut prendre du temps, de l’énergie et des compétences. Il n’est pas sûr du reste que tous les ministères subsahariens puissent l’entreprendre en tous points de leur territoire en une seule fois. Un fois ces efforts en route, il devient possible d’imaginer se mettre en ordre de marche pour un début d’accueil inclusif.

Mais le changement de perspective qui en résulte peut se montrer à la fois radical et prometteur. Radical, parce que c’est une façon d’apprendre que le gouvernement et ses ministères ne savent pas tout faire et que c’est bien naturel. Une façon d’apprendre à travailler avec des organisations spontanées. C’est aussi une façon pour l’école d’apprendre à observer et à dialoguer, parce qu’elle non plus ne peut pas tout faire face au handicap. Une façon d’apprendre à différencier, à employer le prénom de chacun des enfants.

Pour les auteurs de plans sectoriels de développement et les grandes organisations internationales qui, parrainant ces plans, les couvent d’un œil exigeant, le chapitre obligé de l’école inclusive pourrait bien receler une leçon d’importance : puisqu’on ne peut rien faire aujourd’hui qui se traduise en résultat et puisqu’on ne pourra rien faire seuls, armons-nous de patience et multiplions nos relations, collaborations, partenariats et délégations.  Il se pourrait que cela resserve pour d’autres cas que le handicap. 

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  • Blog à deux voix. Celle de François Robert, consultant indépendant en éducation. Celle de Robert François, voyageur fasciné par le continent noir. Ces deux voix parlent de l’Afrique et de son école, mais pas seulement.
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