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République des tables-bancs
18 septembre 2013

Rendons grâce à l'Unicef, car nous pouvons la critiquer : (4) l'Unicef et l'équité

Les plaidoyers de l’Unicef, fondés sur les droits, sont tournés vers l’équité. Lors d’un atelier récent où j’employais à dessein le mot justice, un cadre de l’Unicef m’a repris en disant «dans le vocabulaire de l’Unicef, on dirait plutôt équité.» Ce n’était pas le moment de débattre de mots, c’était seulement celui de s’en servir, quitte à laisser du flou. Parlons maintenant de ce flou. 

Il n’y a rien à redire sur le fond à l’usage de l’équité que font les plaidoyers de l’Unicef. On part de ceci que l’exclusion scolaire frappe plus certains enfants que d’autres, les filles, les ruraux, les pauvres, dans une proportion variable selon pays et régions. L’Unicef souhaite alors amener les politiques vers plus de vigueur et d’attention à l’endroit des exclus – des masses d’exclus. Les moyens de le faire peuvent être coûteux et compliqués, mais cela n’enlève rien à la justesse du plaidoyer. L’équité fonde ainsi une sorte de direction politique qui veut faire plus pour les plus fragiles, c’est certainement louable et même nécessaire.

L’ennui vient d’un autre côté. L’équité n’est l’égalité ni la justice. Egalité et justice peuvent se traduire en termes de droit des personnes, l’équité ne donne qu’une direction politique. L’équité permet des plaidoyers, pas des plaidoiries, ce qui nous renvoie au billet précédent.

On peine à trouver des théories de l’équité, les théories de la justice sont abondantes, d’Aristote à Rawls en passant par Saint-Thomas d’Aquin, celles de l’égalité sont aussi riches. L’équité reste une sorte d’égalité dans un sens collectif, mâtinée d’un peu de statistique et d’une rasade de bonne volonté politique. Or, nous sommes pour longtemps encore en Afrique subsaharienne avec le vaste problème qu’il n’y a pas de quoi servir tous les enfants dans des conditions acceptables. La bonne volonté politique et les statistiques ne peuvent pas nous dire où est le juste dans les choix de privation que peuvent et que doivent faire les gouvernants. Avec des sous comptés, vaut-il mieux faire baisser les effectifs affreux des petites classes de banlieusards et améliorer ainsi leurs chances de finir le primaire en apprenant quelque chose, ou aller chercher les enfants les plus éloignés des écoles ? Faut-il accueillir dix trisomiques pour le prix de cent citadins, quand tous les citadins ne vont pas à l’école ? Si les raisonnements se penchent sur les individus et non sur les chances statistiques comparées des différents groupes de population, les questions sont redoutables et exigent des choix éclairés par la réflexion philosophique. L’équité y ouvre mal, par défaut de solidité théorique du concept lui-même. De ce point de vue, elle va moins loin que l’acception la plus limitée de l’égalité, sous la forme étrange de l’égalité des chances – une sorte d’oxymore hypocrite. Moins loin, puisqu’elle ne donne pas d’idée plaidoyer à un enfant exclu, celui-là en particulier. 

Justice, égalité : on ne sait pas comment traduire ces concepts en politiques, dans les affres du rationnement financier, du moins pourrait-on les mettre au menu des philosophes, des économistes et des pédagogues qui tricoteront de futurs plaidoyers.

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