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République des tables-bancs
14 octobre 2013

Les vacances de Robert François : comment apprendre en se taisant dans les embouteillages

Le confort des embouteillages, c’est de se laisser aller à regarder la rue sans faire vraiment attention, un luxe entre deux rendez-vous avant qu’il soit préférable que le rôle attendu et rémunéré du bonhomme reprenne le dessus. Une sorte de procrastination passive, douce à subir. Il y faut juste un chauffeur et une auto climatisée, un privilège dans les villes que je fréquente.

C’était à Conakry, vers le pont des pendus, il fallait attendre qu’un flot de voitures et de minibus se glisse dans quelques fondrières pour traverser un chantier sans doute interrompu. La routine, en quelque sorte. Nous avions embarqué, pour des raisons bizarres, une allemande qui souhaitait partager notre sort provisoire et croyait avoir une visite à faire à l’autre bout de la ville, vers où j’allais. Vieille africaine, de toute évidence, n’ayant plus besoin de donner des signes de familiarité avec les cohues, la chaleur, la poussière, les coquetteries de la conduite automobiles ou les embouteillages homériques. Sauf qu’après avoir arpenté le Rwanda, le Mali et l’Ouganda, elle était encore curieuse de la Guinée, où l’amenait son travail pour une première fois.

L’élément le moins routinier de cette histoire est qu’on avait changé de gouvernement, ce qui est assez rare dans ce pays où les chefs ne sont destitués que par le trépas et où, en attendant, ils résistent à tout. De grands placards tout neufs, pas encore délavés ni taggés, montraient la photo en grand format du gouvernement nouveau dans son grand ensemble, souriant, costumé, cravaté, technocratique en diable, masculin pour l’essentiel, vénérable jusque dans les recoins, rassurant pour qui voudrait.

Nous avions passé un tiers d’heure sous une telle affiche, sans y attacher plus d’attention qu’elle ne le méritait, je me demandais seulement si on pouvait l’éclairer de nuit et quels avaient été les artifices du photographe. Je savourais l’instant climatisé où nul ne m’interrompait – vu, du reste, que je me taisais avec délices.

Pour passer le temps, sans doute, et toute à sa découverte, notre allemande en transit nous assommait de questions, le chauffeur Thierno et moi. Et le climat, et la sécurité, et les langues, et que sais-je. Thierno répondait, comme je n’espérais pas de pourboire.

-       Et que mangent ces gens ?

-       Ah Madame, répond Thierno, on ne sait pas encore, ils viennent juste d’être nommés.

 

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  • Blog à deux voix. Celle de François Robert, consultant indépendant en éducation. Celle de Robert François, voyageur fasciné par le continent noir. Ces deux voix parlent de l’Afrique et de son école, mais pas seulement.
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