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République des tables-bancs
22 octobre 2013

Abécédaire : les devoirs

Rituel vespéral et punitif, le devoir à la maison permet à ceux qui le peuvent de suppléer les devoirs de l’école.

Les analyses sectorielles se plaisent à montrer, depuis quelques années, que les enfants réussissent d’autant plus mal à l’école qu’ils sont de familles pauvres. L’école ne guérit pas les inégalités sociales, ça se serait su du reste depuis le temps et voilà au moins un trait d’union commun entre les écoles de tous les continents. Comme les analyses insistent, il est temps d’y répondre, même si gros reste encore à faire de toute façon, en Afrique, pour qu’il y ait déjà une place en classe pour chaque enfant. Nous dirons que c’est une question d’équité, sans trop nous pencher sur ce mot qui pourrait bien nous entrainer soit vers des excès soit vers des maux de tête. 

Les politiques sont attirées (ou enjointes d’aller chercher) du côté de ce qu’elles pourraient faire de plus ou de nouveau pour aider ces plus pauvres que les autres qui mettent plus de temps à apprendre. Bien entendu, la quête est difficile, parce que la pauvreté est une infection complexe qui agit par tous les pores de la peau de l’enfant. Il dort moins bien qu’un riche, il est plus souvent malade, il a plus peur du maître et de lui-même, de ce qu’il dit ou de ce qu’il n’a pas le droit d’espérer : voici plus de cinquante ans que Richard Hoggart nous a décrit par le menu tout ce que le pauvre doit à sa pauvreté et tout ce qui échappera longtemps encore aux plus hardies des politiques publiques conçues pour la combattre.

Cherchons encore et cherchons longtemps de ce côté là, il y a du combat à livrer. Mais cherchons plus près aussi, dans la classe et dans l’école, les mille petites choses qui retombent à coup sûr sur le nez des plus pauvres, même si elles n’ont pas été faites pour cela, pas sciemment en tout cas.

Les devoirs à la maison en font partie. Ils nuisent aux pauvres comme ils nuisent aux filles. Il y a la question du temps, qui est plus cher chez les plus pauvres et chez les filles. Il y a la question de la solitude, le devoir est solitaire par nature, on ne peut pas apprendre en regardant le maître ou les autres – bien entendu, la solitude du pauvre est encore moins peuplée que celle des autres, s’il est question de grammaire ou de calcul. C’est statistique, on imagine.

Il y a aussi la question de la volonté, de la procrastination, d’autant plus rude que l’espoir de tirer profit de l’effort est moindre, à tort ou à raison. L’à quoi bon est d’autant plus productif qu’on a moins de sous. En classe, on peut déjà s’échapper facilement, mais à la maison. Un pédagogue vous parlerait de capacités d’autodidaxie et un sociologue vous dirait que cette capacité n’est pas répartie au hasard entre les enfants et encore moins de façon égale.

En bref, si l’on veut faire rater les pauvres et les filles, le moyen le plus sûr est certainement de donner des devoirs à la maison – si l’on veut être certain du résultat, il faut en donner beaucoup.

Donner du travail à la maison, c’est reconnaître ou affirmer qu’il n’y a pas eu assez de temps dans la classe. Or, le temps des classes, en Afrique, est toujours très inférieur à ce qu’il devrait être, pour une foule de bonnes et de mauvaises raisons. Etudiant cela, Helen Abadzi avait trouvé en 2009 qu’un petit ghanéen avait deux fois moins d’heures de classe à l’année qu’un petit tunisien, sur la base de calendriers officiels identiques. Le Ghana ne fait d’ailleurs pas partie des pays où l’école est particulièrement désorganisée.

Une mesure honnête et juste serait d’interdire les devoirs à la maison tant que le compte n’y est pas du côté des heures dues par l’école et d’annuler tous les redoublements qui seraient pris dans des circonstances de ce genre. Plus tard, des choses plus raffinées seraient inventées au profit des plus pauvres.

 

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  • Blog à deux voix. Celle de François Robert, consultant indépendant en éducation. Celle de Robert François, voyageur fasciné par le continent noir. Ces deux voix parlent de l’Afrique et de son école, mais pas seulement.
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