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République des tables-bancs
22 décembre 2014

Pénurie de profs de maths (3) : et si l’on évitait de décourager les vocations ?

L’auteur de ce blog a suffisamment vécu dans les cultures professionnelles des mondes de l’éducation pour savoir que les suggestions du billet précédent, qui militait pour que l’arithmétique et le dessin prennent le relais des mathématiques dans les collèges africains aux portes désormais très ouvertes, rencontreront peu d’écho, à part un peu d’étonnement maussade ou de vague méfiance.

Ce dernier billet sur les profs de maths se voudra plus classique, en questionnant la pénurie dans ses formes quantitatives : si l’on voulait plus de profs de maths – assez pour que les classes fonctionnent et que les heures soient enseignées -  que pourrait-on faire ?

C’est à dessein que j’emploie ici un conditionnel et non un indicatif, parce que je n’ai encore pas vu de ministère engagé dans une tentative de solution, de sorte que je ne suis pas sût que quiconque « veut » plus de profs de maths – j’ai seulement entendu que ceux qui ont la charge d’organiser des rentrées voudraient bien qu’il y en eût plus, sans pour autant transformer en actes les soupirs.

A question classique, approches classiques : il y faudrait déjà plus de matheux, ensuite plus de matheux acceptant d’aller à la craie.

La pénurie de matheux est la partie de notre équation la plus accessible aux mesures simples, dont la plupart renvoient à l’art pédagogique. Souvenons-nous que la pénurie de matheux est dans une large part organisée, qu’elle relève d’une politique délibérée de sélection dont on a simplement oublié l’origine (importée) et les raisons d’être. Nous avons rappelé tout cela dans le premier billet de cette série.

L’action se passerait dans les séries scientifiques des lycées, là où justement tous les efforts des professeurs et des administrations se conjuguent pour trier les candidats de façon si rigoureuse qu’à la fin il ne leur reste plus personne. Elle consisterait d’abord à étalonner les exigences, celles des programmes (souvent, en Afrique francophone, il s’agit des programmes français des lycées de 1966, jamais revus) et celles des examens. La comparaison didactique avec les exigences d’autres séries, avec des programmes et des sujets d’autres pays, le cobayage de sujets d’examen ou de composition, les corrections en double aveugle peuvent aider à mettre un peu de raison dans ces exigences et à jeter par dessus bord les sujets qui ne sont enseignés que pour décourager le plus possible d’élèves comme les sujets d’épreuve dont le seul intérêt est de créer une effroyable variance ou de ne laisser survivre que des lycéens imaginaires. La didactique aussi peut aider à rendre moins arides les sujets qui resteront. C’est dans les mathématiques et les sciences qu’est né le mouvement de renouveau des didactiques, avec Chevallard et Martinand,  c’est un mouvement riche qui gagnerait à être étudié et diffusé en Afrique subsaharienne. Il s’agirait, en deux mots, de raccommoder l’enseignement secondaire des mathématiques avec quelques pratiques sociales de référence (tiens, si l'on dessinait un peu ?), avec une once d’histoire des sciences et d’épistémologie (mais qu’est que Bernoulli cherchait à faire, exactement ?).

Tout cela, bien sûr, ce serait un travail sans grand spectacle, auquel du reste il vaudrait mieux ne pas donner trop de bruit, sans quoi l’on agiterait un chiffon rouge sous les nez des envies sélectives des plus conservateurs des enseignants.

Il n’y aurait pas de révolution dans tout cela, interpeller les pédagogies et les didactiques pourrait se faire dans la tranquillité. On a juste le petit problème suivant : celui qui souffre de la pénurie de profs de maths, dans un ministère, c’est un cadre opérationnel qui doit organiser les rentrées. Les autres – les pédagogues, par exemple - s’en fichent pas mal. Et notre opérationnel a besoin, en septembre, d’une solution pour octobre – si on lui parle d’une solution pour octobre dans dix ans, ça ne l’intéresse pas et du reste, personne ne lui en parle. A chacun ses problèmes : c’est cet axiome qui permet le mieux de ne jamais les résoudre.

Transformer suffisamment  de matheux en profs de maths, c’est une autre affaire, qui n’appartient plus à la pédagogie. Les statuts interdisent de penser traiter les profs de maths d’une autre façon que les autres, pour la raison qu’ils sont plus rares – suggérer quelque chose de ce genre, ce serait ouvrir une boîte à Pandore qui ne se refermerait plus. Il y a des palabres plus utiles.

En revanche, la modestie de l’état professoral indique (comme pour les instituteurs) d’avoir à les recruter précocement parmi les plus modestes des étudiants, chez ceux exactement pour qui la poursuite d’études un peu longues n’irait pas de soi sans une aide sérieuse et pour qui encore ce ne serait pas déchoir que de prendre la craie contre un salaire mensuel un peu pingre. Une politique de recrutement précoce (en fin de première année de fac, par exemple), sur une sélection sérieuse et avec un bourse solide, de quatre ou cinq ans, contre un engagement à servir, permettrait même peut-être de préempter les meilleurs.

 

 

 

 

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  • Blog à deux voix. Celle de François Robert, consultant indépendant en éducation. Celle de Robert François, voyageur fasciné par le continent noir. Ces deux voix parlent de l’Afrique et de son école, mais pas seulement.
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