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République des tables-bancs
15 juillet 2013

Abécédaire : résultats

Résultats (gestion par les)

 

Cette expression est très populaire dans la littérature sectorielle contemporaine, il s’agit presque d’une figure imposée des programmes nationaux.

Le raisonnement implicite qui a conduit à la populariser est le suivant : les données chiffrées montrent qu’il y a peu de relation entre les moyens dont une école (un lycée, un département, une région, etc.) dispose et les résultats qu’elle présente (aux examens, par exemple, ou à des tests auxquels on soumet les enfants). Les écoles bien dotées peuvent avoir de bons ou de mauvais résultats, tout comme les écoles mal dotées. On en conclut que certaines écoles (départements, régions, etc.) ont du mal à « transformer les ressources en résultats » (expression consacrée figurant comme tel dans tous les RESEN) et que si toutes apprenaient à le faire, les résultats d’ensemble seraient meilleurs et d’un coût moindre. De ce constat, plus ou moins documenté et plus ou moins précis, on déduit qu’il serait judicieux d’établir une relation entre la distribution des moyens et les résultats obtenus.

Quelle que soit la valeur de ce raisonnement, on comprend sans peine qu’il peut mener une administration vers trois modalités très différentes de gestion.

Dans la première, l’administration va procéder à un examen des résultats des écoles ou des territoires et en particulier de la dispersion de ces résultats, puis s’intéresser de façon particulière aux endroits qui présentent les résultats les plus faibles ou les plus décevants, de façon à en comprendre les raisons et à s’efforcer de les combattre. On isolera par exemple les écoles dont la réussite au certificat d’études est nulle ou inférieure à la moitié de la moyenne nationale et on examinera leur situation. Les effectifs des classes sont-ils raisonnables, l’équipement minimal existe-t-il, le corps enseignant est-il stable et qualifié, la gestion quotidienne de l’école (horaires, suivi de l’absentéisme, suivi des activités de classe, correction des cahiers, etc.) ? Pour ces cas là et pour eux seulement, la hiérarchie intermédiaire essaiera d’apporter des solutions. Bien entendu, si les handicaps de l’école sont multiples et s’il s’avère nécessaire, par exemple, de construire de nouvelles salles et de trouver de nouveaux enseignants, il faudra du temps pour ces mesures qui du reste dépassent les simples compétences de l’inspecteur local. Cette acception là de la gestion par les résultats ne semble pas cacher de danger, elle vise à produire plus de savoir local sur les déceptions que créent les résultats. Mais les résultats en eux-mêmes ne sont pas une règle de gestion des moyens.

Dans la seconde acception de la gestion par les résultats, chaque échelon de la hiérarchie demande à l’échelon inférieur de se fixer des résultats à atteindre et de mettre ces résultats en relation avec les moyens qu’il demande. L’arbitrage sur l’attribution des moyens suivra dans un second temps une clef fondée sur l’appréciation des documents ainsi établis. Il y a beaucoup de bonnes intentions dans un mécanisme de ce type, mais aussi quelques pierres d’achoppement. La relation entre des résultats à atteindre d’un côté, les compétences et les moyens des responsables de l’autre, n’est pas aisée à établir. On a pu voir dans certains pays des responsables locaux amenés à rédiger des plans d’actions annuels citant des résultats à atteindre en termes de parité de genre dans la fréquentation scolaire, par exemple, en regard de l’attribution de moyens de fonctionnement ordinaires. Dans un cas de ce genre, la déconnexion entre les moyens et les résultats censément visés est d’une telle évidence que nul ne croit à la sincérité de ce curieux processus, qui tourne vite à un embarras bureaucratique de plus. Si les résultats à obtenir concernent les apprentissages des enfants ou la réussite aux examens, le risque est que les responsables locaux n’aient pas beaucoup de prise sur des leviers importants de la qualité : ils ne peuvent pas grand chose contre des effectifs pléthoriques, par exemple, qui demanderaient déjà des constructions supplémentaires, ils ne peuvent presque rien contre la pénurie de manuels et ils peuvent aussi se trouver impuissants devant le turn-over des enseignants. Sans doute sont-ils les mieux placés pour analyser la non-qualité des écoles et en déceler les principales origines, mais de là à les corriger, il y a un pas qu’une simple déclaration d’intention ne suffit pas à faire franchir. Notons au passage que ce mécanisme est aussi en lui-même une belle incitation à la falsification des résultats.

La gestion par les résultats, traduite par des empilements de contrats d’objectifs, n’est donc pas une baguette magique, le détail concret des moyens, des compétences et des procédures constitue une limite sérieuse à son emploi.

Dans la troisième signification de la gestion par les résultats, il s’agit de subordonner une partie des financements d’une école, d’une circonscription, à l’atteinte de résultats. On a vu des financements de projets d’école lier une part variable des subventions à des résultats. Dans ce cas, nous ne parlerons plus de pierre d’achoppement, mais de dérives, voire de dangers. Le risque le plus général est celui qui revient à privilégier les meilleurs, quand ce sont les plus faibles qui ont le plus de besoins. Le risque le plus immédiat est celui de pratiques contraires au but recherché. Par exemple, cela s’est vu, l’invocation incessante de la parité de genre comme objectif immédiat mène à l’exclusion de garçons. L’exclusion, plus ou moins avouée, des élèves les plus faibles tentera aussi beaucoup de maîtres et de directeurs si leurs financements dépendent de résultats aux tests ou aux examens. Il n’est pas facile de prévenir ces dérives, l’ampleur et la finesse des contrôles à effectuer pour les éviter est décourageante.

Aux partisans pas toujours prudents de mécanismes répondant à la gestion par les résultats, posons enfin une question simple et naïve : ont-ils des résultats à montrer, des nouveaux mécanismes de gestion scolaire ainsi conçus, en Afrique subsaharienne, ayant porté des fruits incontestables ? La littérature n’en fait pas état.

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