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République des tables-bancs
1 décembre 2013

Les servitudes d’un métier de pauvre (1) l'équation simple, mais compliquée

Ce petit billet n’a qu’un but, dessiner l’équation dans laquelle l’instituteur africain est aujourd’hui prisonnier. D’autres billets suivront, qui essaieront de secouer cette équation et de deviner par où il se pourrait qu’on puisse la casser, ou sinon la rendre moins létale.

 Instituteur des classes primaires, c’est un métier de pauvre, ça va le rester et rien ne permet d’espérer autre chose.

Le salaire de l’instituteur dépend de quelques grandeurs qui ne bougent pas vite. Au premier rang de ces grandeurs, la démographie et sa vivacité, que l’on peut connaître par des taux d’accroissement ou par la part des 6-12 ans dans la population. Au second rang vient la richesse nationale, qui ne grandit pas vite, pas beaucoup plus vite que la population, la part de cette richesse que l’Etat est en mesure de capter et de redistribuer, enfin la part de cette part qu’il peut dépenser pour les écoles, une fois qu’il a payé tout le reste de ses engagements, obligations et priorités multiples. Ces grandeurs, assez inertes, se mélangent avec le nombre d’enfants que l’on met dans chaque classe et la proportion de redoublants. Si l’on calcule dans le bons sens avec ces variables, on trouve à la fin le salaire du maître. Il n’est pas besoin de calculer longtemps pour le trouver bien maigre et de fait, il l’est, à peu près partout en Afrique subsaharienne. Le bon vieux cadre indicatif de Fast-Track le situait autour de trois points et demie de PIB par tête, un peu plus un peu moins selon les pays. Pas de quoi faire la fête tous les samedis, c’est à peu près la valeur du salaire minimum légal dans les pays où ce salaire existe – dans les pays les plus pauvres, on est dans le même ordre de grandeur que le seuil de pauvreté. C’est le salaire d’une bonne.  

Ce n’est pas une exclusivité africaine. Le Japon du début du vingtième siècle a offert à Tanizaki des personnages de maîtres d’école faméliques et assiégés par les petites dettes de la faim et du chauffage, il en est sorti les nouvelles les plus poignantes de son œuvre.

 Un ministère de l’éducation n’y peut mais. Si par hasard il parvient à capter une part croissante des budgets publics, la croissance ira à recruter plus de maîtres, tous ceux qu’il faut pour galoper derrière la démographie et l’amélioration de l’accès aux écoles – mais pas à des augmentations salariales. Ces dernières sont sporadiques, obtenues par pressions et grèves quand la pauvreté des maîtres se fait insupportable.

Voici la base de notre équation : métier de pauvre. Il faut ajouter, dans la colonne des éléments négatifs (du moins de ceux qui le sont pour les autorités) que la période ne se prête pas beaucoup à l’abnégation, au militantisme de ceux qui veulent éclairer les masses et les arracher à l’ignorance, au prosélytisme du savoir ou de la citoyenneté. Ne comptons pas que la compassion ou l’engagement gratuits compensent la pauvreté des maîtres. « Les philanthropes sont morts, le dernier est à Lambaréné », m’avait dit un jour un ministre centrafricain désabusé. Rajoutons dans la colonne de ce qui n’est pas négatif qu’il se peut que l’instituteur soit fonctionnaire (tout en restant pauvre) et que cela compte parfois, dans les vœux ou les projets de certains d’entre eux.

Le billet s’arrête ici. Il vaut mieux bien regarder le paysage avant de parler des gens qui l’habitent. Plus tard, demain, dans la semaine, nous essaierons de regarder tout ça de plus près.

 

 

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  • Blog à deux voix. Celle de François Robert, consultant indépendant en éducation. Celle de Robert François, voyageur fasciné par le continent noir. Ces deux voix parlent de l’Afrique et de son école, mais pas seulement.
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