Les souvenirs de vacances de Robert François : le cauchemars du pâtissier soviétique de Bangui-la-Coquette
Ce bâtiment devait être un don des chinois, dessiné par un architecte bulgare ou polonais flatté dans son sens de la solennité. Au fond d’un parc aux herbes folles, une volée de marches qu’aucune starlette cannoise n’oserait descendre, une colonnade en béton moulé peint puis dépeint, des restes d’armoiries sur un péristyle atrophié et incertain. De l’officiel, en tout cas, quoique rien ne laisse deviner quelle autorité de la République avait mérité pour siège ce cauchemar de pâtissier soviétique.
C‘était à Bangui, une époque à mi-chemin entre des coups d’état, nous passions tous les jours avec le chauffeur François et sa Toyota d’avant l’accident funeste de Boganda. Un matin où la curiosité me prit – je la laisse le plus souvent en pâture à l’imagination, à Bangui c’est plus sûr et plus cohérent que les explications véridiques des passants – je finis par demander à François quel était ce bâtiment sans lequel Bangui aurait pu, avec un peu de complaisance, mériter son joli surnom de La Coquette.
- Ah ça, patron ! Je ne sais pas. Je vais me renseigner. Ce que je sais, c’est que ça ne sert jamais.
Le lendemain arrive et j’avais rangé ma curiosité dans la grande valise des choses qui ne servent à rien. Je rêvassais, mais le taxi obstiné passe comme chaque jour devant le bâtiment, gardé par la nonchalence de deux hommes en béret et sans arme.
- Patron, j’ai demandé ! C’est notre Assemblée Nationale.